Quatre

Ari Weingart, le responsable des relations publiques de Blind Lake, ne se séparait jamais de sa grande tablette électronique. Cela inquiéta un peu Chris Carmody, à qui les détenteurs de tablettes électroniques n’avaient que rarement laissé de bons souvenirs.

À l’évidence, tout ne se passait pas au mieux pour Weingart. Il avait accueilli Vogel, Élaine et Chris devant Hubble Plaza et les avait conduits dans son petit bureau qui surplombait la place centrale. Tous les quatre en étaient à la moitié du planning provisoire de la première semaine quand Weingart dut prendre un appel. Chris se retira avec le reste de l’équipe dans une salle de réunion vide où tous trois demeurèrent jusque bien après le coucher du soleil.

Lorsqu’il revint, Weingart trimballait toujours sa redoutable tablette. « Il y a eu des complications », annonça-t-il.

Élaine Coster bouillait depuis un moment derrière un exemplaire de Current Events vieux de plusieurs mois. Elle reposa le magazine et regarda posément Weingart. « S’il y a un problème avec notre planning, on peut régler ça demain. Tout ce dont on a besoin pour le moment, c’est d’un endroit pour défaire nos bagages. Et d’un serveur fiable. Je n’ai pas réussi à joindre New York depuis cet après-midi.

— Eh bien, c’est justement là le problème. Les installations sont en blocus. On a neuf cents travailleurs journaliers qui n’habitent pas sur le site mais ne peuvent pas en sortir, et je crains fort qu’ils aient priorité pour l’attribution des logements visiteurs. La bonne nouvelle, c’est que…

— Attendez un peu, fit Élaine. En blocus ? De quoi parlez-vous ?

— Je suppose que vous n’avez pas connu cette situation à Crossbank, mais cela fait partie de nos règles de sécurité. À la moindre menace contre les installations, et tant que cette menace subsiste, personne n’entre ni ne sort.

— Les installations sont menacées ?

— Je suppose. On ne m’informe pas de ce genre de choses. Mais je suis sûr qu’il n’y a rien à craindre. »

Il ne se trompe sans doute pas, songea Chris. En tant que Laboratoires nationaux, Crossbank et Blind Lake se trouvaient soumis à des protocoles de sécurité remontant aux Guerres de la Terreur. On y prenait terriblement au sérieux les menaces les plus futiles. Blind Lake – et c’était là un des inconvénients de sa célébrité médiatique – attirait l’attention d’un large éventail de cinglés et d’idéologues.

« Pouvez-vous nous préciser la nature de cette menace ?

— En toute franchise, je n’en sais rien moi-même. Mais nous avons déjà connu ce genre de situations. Et ça s’est toujours réglé avant le lendemain matin. »

Sébastian Vogel se redressa sur la chaise qu’il occupait depuis une heure à la manière d’un sphinx au repos : « Et d’ici là, où dormons-nous ?

— Eh bien, nous vous avons installé… des lits de camp.

— Des lits de camp ?

— Dans le gymnase du centre de loisirs. Je sais. Je suis vraiment désolé. C’est tout ce que nous avons pu faire dans un délai aussi court. Comme je vous l’ai dit, je ne doute pas que tout sera réglé demain matin. »

Weingart se renfrogna en consultant sa tablette, comme s’il avait une chance d’y découvrir un sursis de dernière minute. Élaine semblait sur le point d’exploser, mais Chris prit les devants : « Nous sommes journalistes. Je suis sûr que nous avons tous déjà dormi à la dure. » Enfin, peut-être pas Vogel. « Pas vrai, Élaine ? »

Weingart la regarda avec espoir.

Elle ravala ce qu’elle s’apprêtait à dire. « J’ai dormi sous la tente sur le plateau de Gobi. J’imagine que je peux dormir dans une saloperie de gymnase. »

 

On avait disposé des rangées de lits de camp dans le gymnase, certains déjà occupés par des journaliers qui n’avaient pu trouver de place dans les logements pour visiteurs. Chris, Élaine et Vogel s’en approprièrent trois sous le panier de basket-ball et y posèrent leurs bagages. Les oreillers ressemblaient à des marshmallows dégonflés. Les couvertures provenaient des surplus de la Croix-Rouge.

« Le plateau de Gobi ? demanda Vogel à Élaine.

— Quand je rédigeais ma biographie de Roy Chapman Andrews. Dans les pas du Temps : la paléobiologie hier et aujourd’hui. D’accord, j’avais vingt-cinq ans. Vous avez déjà dormi sous la tente, Sébastian ? »

Vogel avait soixante ans, un visage livide et des joues d’un rouge fiévreux. Il portait des pulls informes afin de dissimuler l’inélégante générosité de son ventre et de ses hanches. Élaine ne l’aimait pas – un parvenu, avait-elle glissé à l’oreille de Chris, un imposteur, quasiment un putain de spiritualiste – et Vogel avait aggravé son cas en se montrant d’une inébranlable politesse. « Dans les Algonquins, dit-il. Au Canada. Une randonnée de plusieurs jours. Il y a des dizaines d’années, bien entendu.

— Vous cherchiez Dieu ?

— C’était une sortie entre étudiants et étudiantes. Si je me souviens bien, je cherchais à tirer mon coup.

— Alors que vous étiez étudiant en théologie ?

— Nous ne faisons pas vœu de chasteté, Élaine.

— Dieu ne réprouve pas ce genre de choses ?

— Quel genre de choses ? Les rapports sexuels ? Pas que je sache, non. Vous devriez lire mon livre.

— Ah, mais je l’ai lu. » Elle se tourna vers Chris. « Et toi ?

— Pas encore.

— Sébastian est un mystique à l’ancienne. Il voit Dieu partout.

— Dans certaines choses plus que dans d’autres », précisa Sébastian, ce qui parut à Chris à la fois énigmatique et typique du personnage.

« Bien que je trouve cette conversation passionnante, intervint Chris, je pense qu’on devrait aller essayer de dîner. Le type des relations publiques a parlé d’un endroit ouvert jusqu’à minuit dans le centre commercial.

— Je suis partante, dit Élaine, du moment que tu promets de ne pas draguer la serveuse.

— Je n’ai pas faim, dit Vogel. Allez-y sans moi. Je garderai les bagages.

— Jeûnez, saint François », dit Élaine en enfilant sa veste.

 

Chris connaissait la biographie de Roy Chapman Andrews écrite par Élaine. Il l’avait lue au début de ses études. Élaine était alors une journaliste scientifique pleine d’avenir, sélectionnée pour un AAAS Westinghouse Award[2] et s’établissant un plan de carrière qu’il espérait suivre un jour.

Le seul et unique livre de Chris à ce jour avait aussi été une espèce de biographie. Ce qu’il y avait de bien, avec Élaine, c’était qu’elle n’avait pas monté l’histoire orageuse de ce livre en épingle et ne semblait pas le moins du monde réticente à travailler avec Chris. Étonnant comme on apprend à se contenter de peu, songea celui-ci.

Le restaurant recommandé par Ari Weingart était coincé entre un magasin d’interfaces et une boutique de fournitures de bureau dans l’aile à ciel ouvert du centre commercial. La plupart de ses magasins ayant fermé pour la nuit, la galerie semblait plus ou moins à l’abandon dans la fraîcheur de l’automne. Mais les affaires du restau, une franchise Sawyer’s Steak & Seafood, marchaient très bien. Beaucoup de clients et de conversations s’y croisaient. Ils trouvèrent un box en vinyle contre la grande vitrine. Le décor, chrome, pastel et plantes en pots, faisait très fin XXe siècle, faux réconfort d’une fausse antiquité. Les menus avaient la forme de T-bones.

Chris se sentit merveilleusement anonyme.

« Bon Dieu, s’énerva Élaine. La banlieue dans toute son horreur.

— Qu’est-ce que tu commandes ?

— Voyons voir. Le “Petit-déjeuner servi à toute heure ?” Le “Pain de viande potelé façon maison” ? »

Ses paroles ironiques n’échappèrent pas au serveur qui approchait. « Le saumon de l’Atlantique est bon, annonça celui-ci.

— Bon pour quoi, exactement ? Non, laissez tomber. Le saumon fera l’affaire. Chris ? »

Embarrassé, il commanda la même chose. Le serveur haussa les épaules et s’éloigna.

« Ce que tu peux être snob, des fois, Élaine !

— Pense un peu à l’endroit où on est. À la pointe du savoir humain. Sur les épaules de Copernic et de Galilée. Et on mange où ? Dans un relais routier avec buffet de crudités. »

Chris n’avait jamais compris comment Élaine pouvait porter une telle attention à la nourriture, elle qui s’était appliquée à supprimer l’épaississement de la cinquantaine. Elle sacrifie la quantité au profit de la qualité, supposa-t-il. Un numéro d’équilibriste. C’était une Wallenda[3] de la ligne.

« Je veux dire, arrêtons, qui est snob, ici, au juste ? reprit-elle. J’ai cinquante ans, je sais ce que j’aime, je peux supporter un fast-food ou des surgelés, mais est-ce que j’ai vraiment besoin de faire comme si le pudding aux pommes était de la crème brûlée ? Toute ma jeunesse, j’ai bu du café aigre dans des tasses en papier. J’ai évolué, depuis. Ça t’arrivera aussi.

— Merci pour le vote de confiance.

— Avoue-le, Crossbank a été un fiasco pour toi.

— J’ai réuni du matériel utile. » Ou du moins une citation totémique. Ça pourrait s’arrêter n’importe quand. Presque un sermon baptiste.

« J’ai une théorie sur toi, annonça Élaine.

— On devrait peut-être se contenter de dîner.

— Non, non, tu n’échapperas pas comme ça à l’odieuse vieille sorcière.

— Je ne voulais pas dire que…

— Tais-toi donc. Prends un gressin ou je ne sais quoi. Je t’ai dit avoir lu le livre de Sébastian. J’ai aussi lu le tien.

— Ça peut sembler puéril, mais je préférerais vraiment qu’on n’en parle pas.

— Je voulais juste dire que c’est un bon bouquin. Toi, Chris Carmody, tu as écrit un bon bouquin. Tu as fait le travail sur le terrain et tu en as tiré les conclusions nécessaires. Et tu veux te reprocher de ne pas t’être défilé ?

— Élaine…

— Tu veux foutre ta carrière en l’air, faire juste semblant de bosser, ne pas respecter les délais, sauter les serveuses à gros nibards et t’endormir bourré tous les soirs ? Tu peux, sans problème. Tu ne serais pas le premier. Loin de là. S’apitoyer sur soi-même est un passe-temps si prenant.

— Un homme est mort, Élaine.

— Ce n’est pas toi qui l’as tué.

— On peut se poser la question.

— Non, Chris, on ne peut pas se la poser. Galliano est passé par-dessus cette colline par accident ou par volonté de se détruire. Peut-être regrettait-il ses péchés, peut-être pas, mais c’étaient ses péchés, pas les tiens.

— Je l’ai exposé au ridicule.

— Tu as exposé un travail à la fois gravement bâclé, intéressé et dangereux pour des innocents. Il se trouve que ce travail est celui de Galliano, et il se trouve aussi que Galliano est tombé en moto dans la Monongahela, mais c’était son choix, pas le tien. Tu as écrit un bon livre…

— Nom de Dieu, Élaine, dans quelle mesure le monde a-t-il besoin d’un autre putain de bon livre ?

— … bon et sincère, et tu l’as écrit poussé par une indignation loin d’être injustifiée.

— Merci de le dire, mais…

— Et le problème, c’est que tu n’as manifestement rien obtenu d’utile à Crossbank, et j’ai peur que tu n’obtiennes rien ici non plus, et que tu ne respectes pas la date limite afin de pouvoir poursuivre avec plus d’efficacité le projet d’auto-flagellation dans lequel tu t’es embarqué. Ce qui manque un max de professionnalisme. Je veux dire, Vogel est un tordu, mais au moins il produira un papier. »

Chris caressa un instant l’idée de se lever et de quitter le restaurant. Il pourrait rentrer au gymnase et interviewer quelques-uns des journaliers bloqués à Blind Lake. Ils lui parleraient, eux, au moins. Il n’obtiendrait d’Élaine que davantage de culpabilité, et il en avait déjà eu son content, merci bien.

Le saumon arriva, se figeant dans un filet de beurre.

« Ce qu’il faut que tu fasses… » Elle marqua un temps d’arrêt. Le serveur agitait un énorme moulin à poivre au-dessus de la table. « Virez-moi ce truc de là, s’il vous plaît. »

L’homme prit la fuite.

« Ce qu’il faut que tu fasses, Chris, c’est arrêter de te comporter comme si tu devais avoir honte de quelque chose. Ce livre que tu as écrit, utilise-le. Si quelqu’un s’y montre hostile, affronte-le. Si on a peur de toi à cause de ce bouquin, utilise cette peur. Si on te donne des réponses évasives, tu peux au moins décrire la manière dont on te répond évasivement et comment on se sent à Blind Lake dans la peau d’un paria. Mais ne rate pas cette chance. » Elle se pencha en avant et ses manches s’agitèrent dangereusement près de la sauce. « Parce que le fait est, Chris, qu’on est à Blind Lake. Le populo n’a peut-être qu’une vague notion de ce qu’il se passe ici, mais nous, nous sommes mieux informés que cela, pas vrai ? C’est ici qu’on réécrit tous les manuels. C’est ici que l’espèce humaine commence à définir sa place dans l’univers. C’est ici le pivot de ce que nous sommes et de ce que nous allons devenir.

— On dirait un prospectus. »

Elle se recula. « Pourquoi ? Tu me penses trop ridée et trop cynique pour reconnaître quelque chose de vraiment stupéfiant ?

— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Je…

— Pour ce que cela vaut, tu m’as surprise dans un moment de sincérité.

— Élaine, je ne suis pas d’humeur à entendre un sermon, c’est tout.

— Eh bien, je ne te pensais pas vraiment d’humeur à cela. OK, Chris. Agis comme bon te semble. » Elle fit un geste en direction de son assiette. « Mange ce pauvre poisson maltraité.

— Une tente, dit-il. Le plateau de Gobi.

— Ouais, bon, une espèce de tente. Un habitat gonflable parachuté de Pékin. Avec des cellules énergétiques rechargeables, un chauffage nocturne et toutes les chaînes satellites.

— Tout comme Roy Chapman Andrews ?

— Eh, fit-elle. Je suis journaliste, pas martyre. »

 

Blind Lake
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